Figure majeure du néo-impressionnisme belge, Théo van Rysselberghe (1862–1926) incarne l’un des ponts les plus féconds entre les avant-gardes belges et françaises à la charnière des XIXe et XXe siècles. Ami proche de Seurat, Signac et des cercles symbolistes, il fut cofondateur du groupe des XX à Bruxelles et un infatigable promoteur des nouveaux courants artistiques de son temps. Sa peinture, initialement marquée par la rigueur du divisionnisme, évolue dès le début du XXe siècle vers une écriture plus libre, où la couleur et la lumière gagnent en lyrisme.

Datée de 1908, Pivoines blanches appartient à cette période de maturité artistique. La composition met en scène un somptueux bouquet de pivoines écloses, placé dans un vase bleu-vert aux reflets profonds. Le fond rouge, vibrant et texturé, accentue la blancheur presque nacrée des fleurs, tandis que des objets en céramique, disposés autour du vase, renforcent l’équilibre harmonieux de l’ensemble. La touche, plus fluide qu’à l’époque strictement pointilliste, confère au tableau une densité chromatique nouvelle et une profondeur atmosphérique remarquable.

On retrouve ce même vase, accompagné également d’un bouquet de pivoines blanches, dans Marthe aux pivoines blanches (107 x 90 cm, Ronald Feltkamp N°1914-007), un tableau représentant la nièce du poète symboliste belge Émile Verhaeren. Ce rapprochement suggère que l’œuvre présentée ici s’inscrit dans une série d’études et de compositions autour d’un même motif floral, à la fois décoratif et chargé d’intimité.

Dans cette nature morte, Van Rysselberghe transcende le simple sujet pour proposer une réflexion picturale sur l’équilibre des formes, le dialogue des couleurs et la puissance évocatrice de la lumière. Un tableau silencieux et raffiné, où l’héritage néo-impressionniste rencontre déjà les accents plus personnels et méditatifs de la fin de sa carrière.