PABLO PICASSO 1881-1973
Cadre en bois sculpté et doré XVIIe siècle, Italie
50 x 58 cm (avec cadre)
Exécuté le 24 janvier 1954, notre dessin à l'encre de Chine fait partie d'une série importante réalisée par Picasso pour la revue artistique et littéraire Verve, fondée par l'éditeur Estafros Tériade en 1937. Cette revue a publié vingt-six numéros entre 1937 et 1960, mettant en avant les artistes et écrivains français les plus éminents du XXe siècle. En septembre 1954, un double numéro consacré à Pablo Picasso est publié, présentant 180 dessins de l'artiste, tous réalisés en à peine plus de deux mois entre le 28 novembre 1953 et le 3 février 1954. Ces dessins témoignent de la production artistique intense de Picasso à cette époque, après sa rupture avec Françoise Gilot, qui l'a quitté en emportant leurs deux enfants. Se retrouvant seul à Vallauris, Picasso s'est laissé emporter par la création de cette série de dessins. Ces œuvres, représentant tour à tour le peintre et son modèle dans l'atelier, un homme et une femme face à face, ainsi que d'autres personnages dans des situations parfois comiques et mordantes, évoquent des ambiances de cirque ou de théâtre. Tériade a décrit cette série de Picasso comme "le journal, non verbal mais visuel, d'une détestable 'saison en enfer', une crise dans sa vie personnelle qui l'a amené à tout remettre en question".
Dans notre œuvre, Picasso dessine deux personnages nus et de face, portant des masques antiques. Ces masques rappellent ceux utilisés dans le théâtre de la Grèce antique pour donner des caractères spécifiques aux visages des acteurs. Picasso se réfère ici à la tragédie antique pour exprimer ses sentiments. Recueil d’émotions de l’artiste, ce dessin lui sert d’exutoire. Il est difficile de ne pas voir dans cette mise en scène un commentaire critique et ironique sur la fausseté des relations amoureuses. Tout au long de sa carrière, Picasso livre au papier ses émotions et ses inventions comme il l'aurait fait avec un journal intime : "Évidemment on ne sait jamais ce qu'on va dessiner... mais quand on commence à le faire naît une histoire, une idée... et ça y est. Ensuite l'histoire grandit, comme au théâtre, comme dans la vie... et le dessin se transforme en d'autres dessins, en un véritable roman. C'est très distrayant, crois-moi. Moi au moins je m'amuse énormément, en inventant des choses et je passe des heures entières, pendant que je dessine, à voir, à penser ce que font mes personnages. Dans le fond, c'est une manière d'écrire des histoires".
Catalogues
Verve: Revue Artistique et Littéraire, N° 29 & 30, Paris, 1954, illustré.
Christian Zervos, Pablo Picasso, Œuvres de 1953 à 1955, Paris, 1965, Vol. 16, n° 218, illustré p. 70.
Picasso Project, Paintings, Watercolors, drawings and sculpture. A comprehensive illustrated catalogue 1885 – 1973. The Fifties I – 1950 – 1955, Alan Wofsky Fine Art, San Francisco 2021, illustré sous le n° 54-118 p. 246.