Réalisé le 11 juillet 1959, ce dessin à l’encre de Chine est typique des œuvres de Pablo Picasso qui mêlent innovation, figuration, abstraction et une certaine dose d’humour. Sur un fond blanc ponctué de larges zones noires, Picasso dessine au moins six visages entremêlés, visibles sous différents angles de vue. Le thème du visage, d’une importance particulière pour l’artiste, est exploré tout au long de sa carrière, que ce soit dans ses œuvres peintes, dessinées ou dans ses céramiques. Dans cette œuvre, Picasso joue avec la déstructuration faciale, un procédé typique du mouvement cubiste dont il est le principal instigateur. En déconstruisant les traits et en fusionnant les profils, il propose une nouvelle perception de la réalité, invitant le spectateur à exercer son imagination. Loin du portrait académique traditionnel, cette œuvre marque une radicalisation de la forme. Les visages se superposent, s’entremêlent, se déforment pour créer une composition unique et révélatrice de son univers. Avec un usage minimaliste des moyens – des traits simples à l’encre noire et des formes libres – Picasso résume ici les nombreux styles et approches artistiques qu’il a explorés tout au long de sa vie. L’absence de détails superflus permet de concentrer toute l’attention sur la force de la composition, où chaque visage se fond et se confond dans une danse d’abstraction. À cette période, Picasso se tourne vers le dépouillement et la spontanéité. Il se focalise sur le sentiment d’immédiateté en se détachant de la perspective.

Ces jeux de perceptions arrivent dans l’œuvre de Picasso dès les années 1930 lorsqu’il se détache totalement du réalisme et du portrait traditionnel en mettant au point ce qui deviendra sa signature, héritée du cubisme : visualiser sur une surface plane la face et le profil d’une même personne. En tant qu'artiste visionnaire, il s'harmonise avec les avancées scientifiques du XXIe siècle, lesquelles transcendent l'apparence visuelle. Après la guerre, Picasso opère une synthèse de tous ses styles antérieurs particulièrement perceptible dans les portraits qu'il réalise entre les années 1950 et 1973.