Pour peindre cette œuvre, Marquet s’installe au pied de la Tour Saint Nicolas près des ateliers de carénage du port de la Rochelle. Il prend ici le parti d’un cadrage inédit en représentant l’entrée du port dans son axe le plus dynamique.

La composition d’une succession de plans attire inévitablement le regard vers le lointain, ode au voyage et à la découverte. Comme souvent chez Marquet, l’espace est structuré par la conjonction de diagonales (silhouettes de bateaux convergeant vers la sortie du port) et de lignes horizontales incarnées notamment par les baraques du chantier naval dans le fond.

L’équilibre pictural résultant de cette construction et la mise en page de ces œuvres, font souvent référence à l’estampe japonaise. Le dialogue subtil entre les nuances opalines de la mer et des dégradés du ciel plombé, permet au peintre de souligner l’atmosphère orageuse tandis que les tons nuancés de l’eau suggèrent les vibrations et remous de la mer. Marc Sandoz, auteur d'un ouvrage sur Marquet et la Rochelle parlait à ce sujet de "Symphonie de gris". Avec une assurance incomparable, Marquet réduit le paysage à ses éléments essentiels, en dégage les lignes expressives et en exclut tout détail superflu.

Pourtant la mer n’est ni grise ni triste : elle se teinte de reflets laiteux, d’éclats bleutés, d’ombres douces, Marquet ne cherche pas à décrire, mais à suggérer. Il ne peint pas chaque vague, chaque détail du port mais capte l’essentiel : la respiration lente de l’eau, le silence avant le vent, la densité de l’air. Ce dépouillement n’est pas une économie de moyens, mais une recherche d’épure. En quelques touche posées avec assurance, il installe une ambiance, fait ressentir une heure du jour, une saison, presque un état d’âme.

Dans « La Rochelle » Marquet atteint de qui fait la force de sa peinture : une élégance tranquille, un regard direct, jamais appuyé. Il ne force rien, il regarde. Et nous invite à regarder avec lui.