KEES VAN DONGEN 1877-1968
127,5 x 116 cm (avec cadre)
Installé à Paris à la fin du XIXe siècle, il fréquente les cercles bohèmes de Montmartre avant de participer en 1905 au Salon d’Automne aux côtés de Matisse et Derain, lançant ainsi le fauvisme, mouvement marqué par l’usage de couleurs pures et la liberté expressive. Mais très vite, Van Dongen développe un langage pictural qui lui est propre, au carrefour entre la modernité fauve, l'élégance mondaine et un regard presque anthropologique porté sur la société parisienne.
La femme devient son sujet de prédilection, au point de devenir le centre de sa carrière artistique. Van Dongen est fasciné par les femmes – non pas seulement en tant que modèles – mais comme symboles vivants de transformation sociale, d’émancipation, de luxe, de mystère et de pouvoir. Il les représente tantôt lascives, tantôt distantes, toujours parées, fardées, parées de bijoux, maquillées de rouge intense. Cette image de la femme, glamour, théâtrale, reflète autant les aspirations de l’époque que les fantasmes personnels de l’artiste.
Dans le Paris des Années folles, il devient le peintre à la mode : il fréquente les salons aristocratiques, peint les grandes dames de la haute société, des danseuses, des actrices, des courtisanes. Il devient le portraitiste des femmes qui veulent être vues – et regardées avec fascination. Dans La Femme aux lapins, peinte vers 1921, on retrouve cette prédilection pour la féminité sophistiquée. La figure féminine représentée ici, légèrement penchée vers deux lapins blancs, est tout sauf ordinaire. Sa robe luxueuse, sa posture gracieuse, son visage fardé aux joues rouges et au teint pâle, traduisent à la fois le raffinement vestimentaire de l’époque et l’idéal féminin tel que Van Dongen le conçoit : une femme décorative, mais aussi dominante par sa présence. Même dans un geste aussi simple que celui d’offrir une fleur à un animal, elle conserve un pouvoir de séduction et une aura de mystère.
Cette femme n’est pas saisie dans l’intimité du quotidien mais dans une mise en scène presque théâtrale. Van Dongen transpose le goût du spectacle dans la peinture, et La Femme aux lapins peut être perçue comme un tableau où la grâce mondaine rencontre la nature. Les lapins, doux et blancs, sont à la fois témoins et contrastes : ils accentuent l’élégance de la femme par leur innocence, et suggèrent une forme de pureté ou de fragilité que l’artiste oppose subtilement à la sophistication du personnage central. La palette, plus tempérée que dans ses œuvres fauves, mais toujours expressive, traduit cette volonté de créer un monde sensible, où les formes se fondent légèrement et où la couleur joue un rôle psychologique. L’arrière-plan, végétal, vaporeux, enveloppe la scène dans une ambiance bucolique et feutrée, quasiment irréelle. Van Dongen ne cherche pas ici à produire un simple portrait mondain, mais à inscrire la femme dans un univers onirique, où la féminité devient un élément poétique à part entière.
L’œuvre est emblématique d’un moment où Van Dongen atteint une maturité artistique : il a intégré la liberté du fauvisme, mais s’oriente vers un style plus lisse, plus décoratif, qui lui assure un immense succès commercial et critique dans les années 1920 et 1930. Il devient le peintre des femmes riches, puissantes et belles – celles qui dominent les cercles mondains et veulent être immortalisées avec faste.
La Femme aux lapins reflète ainsi tout à la fois le goût de Van Dongen pour les mises en scène féminines, son raffinement chromatique, et sa lecture très personnelle du monde. À travers cette œuvre, il ne peint pas seulement une femme avec des animaux : il célèbre un idéal, un fantasme, une époque. Celle où, dans un Paris en quête d’oubli et de plaisir après les horreurs de la guerre, la femme devient un art vivant et Van Dongen, son peintre le plus fervent.
Provenance
Bernheim-Jeune, Paris, acquis directement auprès de l'artiste, 1921.
Vente Palais Galliéra, décembre 1971.
Jacques Demey, Roubaix, France, 1993.
Vente Pavillon Henri IV, Saint-Germain-en-Laye, juin 1994.
Collection privée.
R.S. Johnson Fine Art, Chicago.
Vente Sotheby's New York, mai 1999.
Collection privée, acquise lors de la vente susmentionnée.
Collection privée, New York et Palm Beach , 1999.
En dépôt à la Norton Gallery and School of Art, West Palm Beach, Floride, 24 avril 2006.
Collection privée, Palm Beach, Floride, par descendance, vers août 2006-17 juillet 2020.
Collection privée, Floride.
Vente Doyle Auction, avril 2025.
Expositions
Lille, Palais des Beaux-Arts de Lille, Un demi-siècle de peinture française, 1900-1950, 10 juin - 13 juillet 1950, n° 124 (titré Femme aux lapins).
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